Publié le 11 août 2016 à 18:35 CET. Dernière modification le 2 septembre 2016 à 8:45 CET.

Ça y est il est 20h40, c'est parti. Rapidement je m'arrête à un feu rouge. Les autres passent et je continue seul. Je glisse doucement dans un état second, caractéristique quand je fais de la distance à vélo. Les jambes travaillent. Pendant ce temps la tête estime ce qui reste à faire, regarde le paysage qui changera tant de fois pendant ce périple. Je goûte le moment. Là tout est parfait, je file facilement. La nuit m'attrape. J'arrive à Le Blanc et trouve facilement la camionnette verte pour le premier contrôle à minuit.

Je continue jusqu’à Bourganeuf où j'arrive au petit matin. Jusque-là tout va bien.

Le Limousin est verdoyant, la descente sur la Dordogne est grisante. La remontée jusqu'à Mauriac me scotche litérallement à l'arrêt. C'est le premier avertissement. Jean Pierre nous avait bien dit : « si à Mauriac vous êtes déjà fatigué il y a un problème. » Et bien le voilà.

Le paysage devient plus montagneux. C'est maintenant la montée dans la vallée du Mars. Après trois heures la route rejoint celle qui vient de Salers et commence sérieusement l'ascension.

Devant moi se dresse le Puy Mary, à son flanc la route franchi le col presque 500 mètres au-dessus de moi. Là je me dis qu'il y a effectivement un problème. Je parcours encore trois kilomètres et demi et la montée devient tellement insistante que je dois mettre pied à terre. À partir de là je fais profil bas et je pousse mon vélo sur les deux kilomètres qui me séparent du Pas de Peyrol. De là-haut je profite de la vue sur la vallée confortablement assis dans un fauteuil en sirotant un sirop et en grignotant quelques gateaux. Puis je redescend rapidement sur Aurillac où je m'arrête au restaurant pour un dîner bien mérité.

C'est maintenant le soir et j'attaque une difficile nuit à monter et descendre les montagnes du Massif Central. C'est une succession de montées raides puis descentes sur des petites routes. Le tout de nuit. Après quelques heures de cet enchaînement, je suis vidé. Je me couche au bord de la route pour dormir un peu. Je repars en meilleure forme. Un peu avant le lever du soleil je suis bien obligé de retourner m'allonger pour une grosse sieste. Ça va mieux ensuite, les bonnes sensations sont de retour. À Estaing, la traversée du Lot sur le pont de pierre éclairé est magique.

Peu après je rattrape Nicolas qui marche à côté de son vélo. Notre rencontre lui redonne la pêche et on repart ensemble. La route est redevenue plus facile et on avance bien jusqu'au contrôle suivant. Il fait jour quand on arrive à Sévérac-le-Château. Un café-croissant nous remet en selle.

La route reprend son ascension et on bascule sur les gorges du Tarn. De là-haut la vue est magnifique, il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Et c'est la descente jusqu'au Tarn. Maintenant on est dans un endroit très touristique. À cette heure-ci il n'y a pas encore trop de trafic et on profite du paysage et de la fraicheur apportée par Le Tarn qu'on descend quelques kilomètres. Quand il rencontre La Jonte on tourne pour la remonter. On roule alors à bonne vitesse avec deux autres participants. On croise aussi un couple en tandem qui se fait une belle randonnée.

À Meyruels on s'arrête pour acheter un sandwich et remplir les gourdes. Jean Pierre nous a prévenu : il n'y aura plus de ravitaillement le long de la prochaine ascension. Et ça monte. On est parti pour 1 000 mètres d'ascension étalés sur une trentaine de kilomètres. On prend un rythme tranquille et on avance régulièrement. Du côté de Saint-Sauveur-Camprieu, Michel et Sergio nous retrouvent. Faute de pouvoir participer au Douze-cents ils passent tout de même encourager les participants. Merci les gars, la rencontre était brève mais c'était bien sympathique. On arrive en haut du Mont-Aigoual par une petite route.

Là-haut le vent souffle. Alors on se dépèche de faire la photo contrôle et on a juste le temps de profiter du paysage. On est trop pressé de redescendre se remettre à l’abri.

Et ça redescend bien par des petites routes pittoresques et bien raides, dans les gorges du Tapoul. Une petite pause en terrasse à Vebron et c’est reparti jusqu’à Pont-de-Montvert. On y retrouve la camionnette verte avec Pascale et Jean Pierre. L’occasion d’un ravitaillement bienvenu avant l’ascension du col de Finiels. Une montée bien régulière dans laquelle j’arrive à trouver mon rythme et à le tenir pendant les dix kilomètres de montée. Redescendus au Bleymard c’est l’heure de dîner. Une belle pause d’une heure et demi au restaurant.

En repartant il fait nuit. Le col du Goulet au sortir de table est assez terrible avec des rampes alternativement raides et très raides ! En arrivant à Belvezet on cherche un abri pour dormir. En discutant avec un paysan il nous indique sa grange à foin. Ça nous fait une chambre confortable et chauffée pour la nuit. Du coup on est parti pour plus de trois heures de sommeil !

Mais il faut repartir. La nuit est belle et on roule en attendant le prochain col prévu et qui semble ne jamais venir. C’est en arrivant à Rieutort-de-Randon qu'on se rend compte qu'en fait on l'a passé depuis longtemps et que finalement il n'était pas si méchant.

On roule maitenant sur une route importante. Heureusement il y a très peu de circulation à cette heure-ci. On avale les bosses jusqu'à Saint-Chély-D’Apcher. Il est maintenant 6h et on est en quête d’un café pour nous relancer pour la journée. Peine perdue, après un bon quart d’heure à errer dans les rues on repart finalement bredouille. Et peu après je suis pris de somnolences. Bien obligé de m’arrêter pour une petite sieste je laisse Nicolas continuer tout seul.

La route longe maintenant l’autoroute. Heureusement ça roule bien. Direction Saint-Flour. La brume qui flotte sur le lac du barrage de Grandval confère au viaduc de Garabit un aspect mystérieux, mystique. Arrivé à Saint-Flour j’attends l’ouverture de l’hypermarché pour refaire le plein de piles. L’autonomie électrique est un gros point noir de mon épreuve. Alimenter mes lampes, mon GPS et mon téléphone moderne pendant quatre jours est un défi à soi tout seul.

Puis reprennent l’enchainement de bosses sous le soleil du matin. Mais c’est dur et je suis vite obligé de m’arrêter pour une grosse demi-heure de sieste. Je repars. Les travaux sur la route d’Allanche ont gravillonnés une bonne partie du chemin. Je suis obligé de m’arrêter à deux reprises pour enlever des graviers coincés entre la fourche et le pneu. J’arrive trois heures et demi en retard, juste à temps pour me prendre un sandwich avant la fermeture de la boulangerie.

À la ville suivante, Thierry me hèle depuis la terrasse d’un hôtel. Ça fait une heure qu’il attend ici le prochain bus pour repartir ; il a cassé sa chaine. Coup de chance pour lui, j’ai mon dérive chaine. Je lui retire une paire de maillons et il peut reprendre la route. J’apprendrai plus tard qu’il a réussi à rattrapper le retard. Ouf, un abandon de moins sur ce parcours très sélectif.

Puis ce sont les deux derniers cols répertoriés sur notre feuille de route : le col de la Chaumoune puis de la Croix-Saint-Robert, face au vent. Enfin la descente jusqu’à la Bourboule, toujours avec trois heures trente de retard sur le programme.

Quand la nuit tombe, peu après 22h, je dois de nouveau m’arrêter pour un gros somme de trois heures juste avant d’arriver à Crocq. je repars dans le noir. Sur le chemin j’aperçois un autre cycliste endormi sur le bord de la route. Je ne suis pas le seul à avoir du mal à suivre le rythme. J’arrive à Aubusson à minuit et demi, toujours avec mes trois heures trente de retard. Plus rien à manger ni à boire. J’erre longtemps dans la ville. Finalement je cogne à un hangar d’où filtre de la lumière. C’est l’arrière d’une grosse boulangerie. Un jeune homme me rempli les bidons. Mais comme la boutique n’est pas encore ouverte il ne peut pas me vendre de pain… Du coup il m’offre la baguette. Merci, j’en avais grandement besoin pour continuer la route, à bout de forces que je suis.

Il reste un peu plus de 200 kilomètres à parcourir. Normalement ça ne me fait pas peur. Mais là, avec tout le dénivelé accumulé et la pénurie de sommeil, la première difficulté, la moindre bosse demande un effort conséquent pour remettre la machine en marche. Si bien que même après le levé du jour je suis de nouveau contraint de m’arrêter pour une grosse sieste.

Je repars et roule bien. Mais le retard accumulé est impitoyable. Quand arrive l’heure du déjeuner, presque l’heure où je devrais être arrivé, je trouve un bon restaurant sur la route. Le Petit Roy à Menoux. J’en profite pour recharger mon GPS et mon téléphone puis me fait une grosse pause déjeuner bien mérité. La cuisine est une excellente surprise. Ça a commencé avec l’entrée. Une « bête » salade. Mais un mélange de légumes bien équilibré avec une « vignaigrette » à base de citron. Sobre et délicieux. Ce dont j’avais besoin pour me remettre de l’échec de mon Douze-cents. Et le plat, une limande parfaitement grillée avec sa purée. Enfin bref un super repas pour un petit prix. Ça me remet en forme et j’appelle Jean Pierre pour lui annoncer que je suis 115 kilomètres en retard.

Du coup je repars plus tranquillement et détendu. Et je passe à Mézières-en-Brenne avec neuf heures de retard. Maintenant le parcours est plus facile. Mais les kilomètres accumulés ont fait leur travail de sape et mes jambes fatiguées et le vent de face font que je boucle le parcours avec sept heures de retard. Bien entendu il n’y a plus personne au gymnase. Je retrouve tout de même Nicolas attablé avec deux autres participants au restaurant de la place de l’église.

En partant je savais que je m’attaquais à un morceau trop gros pour moi. Et, même si je suis forcément un peu déçu d’arriver avec tant de retard, il y a tout de même cette satisfaction d’avoir bouclé intégralement le parcours. Surtout que derrière les difficulités se cachaient des paysages, des moments et même des rencontres, forcément furtives, qui font de ce Douze-cents beaucoup plus que juste une randonnée à vélo.

Le Douze-cents ailleur